« Le génie du mouvement qui habite Jean-Claude Gallotta apporte à son premier long métrage  Reï Dom ou la légende des Kreuls, une manière de filmer à la fois très élaborée et pleine de fraîcheur. Les acteurs sont les danseurs de la compagnie. Ils comprennent au quart de tour le but du metteur en scène : raconter une histoire par l’enchaînement des images, les déplacements des images, les déplacements des personnages, plus que par la progression d’une intrigue. Le peuple Kreul, décimé par la tribu des Chasseurs, attend un sauveur. Lequel se présente sous les traits d’un homme – Pascal Gravat excellent. Après avoir perdu femmes et enfants, celui-ci a basculé dans la folie. Il parle une langue inconnue, mais qui lui ouvre les portes du royaume Kreul. Commencent alors les rites d’initiation…

Le premier plan est celui de ce rescapé, de dos, prostré, une couverture jetée sur les épaules. Soudain, le tissu devient comme vivant, semblable à la muqueuse d’un animal étrange. On tient ici la réussite de ce film : le mélange du normal et d’artifices qui ne doivent rien aux effets spéciaux mais plutot aux lumières monochromes, aux angles de vision, à l’imagination fiévreuse du réalisateur. Comme Peter Greeneway – moins esthète cependant – Gallotta parle de son attirance et de son dégoût pour la chair, de son obsession des corps déformés, pourrissants. La danse fonctionne comme un signe de reconnaissance entre les Kreuls, pour se toucher, s’étreindre, s’aimer.

Dominique Frétard - Le Monde - janvier 1991

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